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J'ai aussi un site ici que je destine à des articles non directement liés à l'actualité et où je peux présenter les choses plus librement. Ce site est en démarrage et donc peu fourni.


03 juin 2023

Voyage à Oléron (2/3): Royan - St Pierre

Pointe de Grave - Royan - Oléron J’adore les traversées en ferry, l’ambiance à bord avec odeurs de mazout sur le pont des autos, les salons moquettés, les coursives et bien sûr les ponts extérieurs où dès que le bateau bouge, il y a du vent. On est arrivés un peu tôt, malgré un court détour par la dune et le phare St Nicolas où nous ne parviendrons pas à trouver de point de vue sur l’océan alors que nous sommes à l’extrême Nord de la péninsule du Médoc : trop de pins qui nous cachent l’horizon. Nous patienterons donc 30 mn au terminal.   Un peu dommage de nous être pressés mais ce sont les vélos qui embarqueront les premiers, ce qui nous permettra d’être rapidement servis au bar. Comme prévu, nous pouvons prendre notre petit déj agrémenté des croissants du bord qui complètent notre assiette de céréales. Sur bâbord, au loin vers le large, le phare de Cordouan planté sur son banc de sable balise l’entrée de la Gironde depuis plus de 150 ans. La mer est calme. 25 mn c’est court. Nous débarquons à Royan où nous avons prévu de flâner un peu. Cette ville balnéaire, martyre de la seconde guerre mondiale qui l’a vue rasée par 2 bombardements alliés en 1945, a été complètement reconstruite dans les années 50. Cela lui donne une homogénéité architecturale rare, intéressante et assez réussie. Bien que complètement différente, elle me rappelle la Grande Motte. Nous commençons par visiter la Cathédrale, monument immanquable tant il se voit de loin. Bâtiment de béton terni et assombri par les ans, franchement pas très attrayant vu de l’extérieur sous un ciel gris,

 

il nous étreint dès qu’on y pénètre.

   

L’entrée triangulaire, étroite, laisse voir au fond, derrière l’autel, le magnifique vitrail lui aussi de forme triangulaire qui du coup semble s’imbriquer. On dirait des braises bleues et rouges qui rayonnent au fond de l’âtre d’une cheminée. Ce n’est pas seulement l’architecture qui nous saisit. La musique aussi. En effet, le grand orgue de Notre Dame de Royan est joué par Philippe Lefèbvre, titulaire de l’orgue de Notre Dame de Paris qui donne un récital le soir et qui répète ce matin. L’acoustique du lieu, la puissance de l’instrument, le talent de l’organiste qui joue et improvise se conjuguent pour créer une expérience sensorielle nouvelle pour nous.

   

Une pépite inattendue de ce voyage. Nous repartirons après avoir passé au final près d’une heure dans l’église à visiter, écouter, nous recueillir.

   

Nous faisons le détour par le marché en quête de notre pitance pour le pique-nique selon le rituel habituel puis quittons Royan par la Vélodyssée. Elle est très bien aménagée sur la corniche côtière, très agréable.  

Les villas se suivent, se ressemblent souvent mais pas forcément. Beaucoup ont été construites au moment du premier boom du tourisme des années 20 ou 30. On est rarement dans le luxe mais souvent dans un cossu qui témoigne néanmoins de la sociographie du coin. Après une dizaine de kilomètres et le phare de Terre Nègre, les villas s’espacent, la nature s’ensauvageonne, les plages s’étirent. On suit une piste cyclable dans les pins qui soudainement vire à 90°, coincée entre le club Med et un golf avant de déboucher rapidement sur la belle plage de la Palmyre. C’est beau, tellement conforme au rêve de vacances de tant de gens qu’on s’empêche d’imaginer ce lieu en plein mois d’août. C’est parfait pour nous en cet instant pour y pique-niquer. Bonus: une paillote est ouverte où l’on nous sert notre café quotidien. Nous pourrions continuer à rouler sur la piste cyclable, agréable, ondulante, bien moins rébarbative que celle que nous avons empruntée sur quelques kilomètres en Gascogne pour rejoindre parallèlement à la côte sauvage, à travers la forêt domaniale de la Coubre et en une vingtaine de kilomètres le pont sur la Seudre. Cela nous aurait valu probablement de bons moments dans la nature et de beaux points de vue sur l’océan. Mais finalement nous préférons mettre le cap vers l’Est, avec comme objectif de rejoindre le marais de la Seudre et la petite ville ostréicole de la Tremblade. L’observation de la carte a éveillé ma curiosité pour cette partie du bassin de Marennes. En plus, cela raccourcira légèrement l’étape. Nous ne regretterons pas ce choix. Nous découvrirons à la Tremblade la culture ostréicole locale assez différente de celle que nous connaissons autour de l’étang de Thau. L’architecture du village (dans sa partie ancienne) annonce la Vendée. Les rues finissent souvent en ruelles voire en passages. Dans le marais, les cabanes peintes des ostréiculteurs égaient le paysage et anticipent Oléron.  

Puis nous enchaînons les ponts ; pour franchir la Seudre, d’abord, puis le cousteau d’Oléron. J’avais repéré un passeur par bateau pour rejoindre directement Saint Trojan les Bains sur l’île d’Oléron depuis la Tremblade mais il n’opère pas en dehors de la haute saison. C’est bien dommage. Mettre pied à terre sur une île sans débarquer d’un bateau, c’est un peu comme boire une bière sans alcool. Va pour les viaducs. On s’engage avec une petite appréhension: y aura-t-il la place de rouler sans être frôlé par les voitures ou les camions, sans être bousculé par le vent? En fait, tout s’est passé sans le moindre souci. La Seudre est large, très large. Qui connait ce fleuve en dehors des locaux ? Sur le pont d’Oléron, le regard est attiré par fort Louvois, îlot fortifié à un jet de pierre de la jetée du Chapus dont il reste le vestige. Elle servait à réduire les temps de traversée du bac en raccourcissant la distance et surtout en permettant de passer à marée basse. Tout au loin, nous reconnaissons la silhouette du désormais incontournable Fort Boyard. Franchir les estuaires sur un pont a ses avantages.  Après la longue descente du viaduc, nous touchons Oléron, notre but. Nos hôtes nous attendent en soirée au centre de l’île, à St Pierre. Nous ne sommes pas pressés, nous décidons donc de prendre un itinéraire passant par Château d’Oléron puis par la côte Est et le marais, peut-être moins direct mais plus intéressant. Château d’Oléron est devenu une bourgade assez touristique qui capitalise sur les cabanes colorées pour créer une atmosphère photogénique avec des couleurs qui claquent pour séduire les touristes comme nous. La plupart d’entre elles sont devenues des boutiques de créateurs (uniquement la vente d’objets réalisés localement; pas de négoce) ou des restaurants. Il est vrai que le charme opère, tout du moins lorsque l’affluence reste mesurée.  Point trop n’en faut. Nous nous engageons dès que possible sur un chemin de traverse où nous pourrons trouver de “vraies” cabanes utilisées par des ostréiculteurs,

puis poursuivons notre route, non sans avoir un peu flâné dans les rues orthogonales de cette ancienne ville militaire très coquette.

 

La côte Est de l’île fait face au continent. L’estran forme une bande vaseuse de plus de 3 km à cet endroit, ce qui repousse l’eau bien loin de la côte à marée basse. Sur cette partie de l’île, les marais salants ont été transformés au XIXe siècle en claires, ces bassins remplis et vidés au rythme des marées où les ostréiculteurs élèvent leurs huîtres renommées (les fines de claires). Pour nous, sur notre vélo cela nous donne l’occasion de déambuler dans un paysage très verdoyant en cette saison, égayé par des fleurs jaunes omniprésentes et à nouveau des cabanes colorées, véritable signature de l’île. Plus à l’intérieur, les marais sont utilisés en pâturages et les petites routes qui les traversent font de merveilleuses pistes cyclables par lesquelles nous parvenons jusqu’à notre destination en soirée, dans une belle lumière de fin de journée car le ciel s’était totalement dégagé. Génial! Nous passerons 3 jours à Oléron, basés à St Pierre, roulerons de manière à découvrir quasiment l’ensemble de l’île, de la pointe de Chassiron et son phare à la plage de Gatseau tout au Sud, sur le pertuis de Maumusson que nous rejoindrons en parcourant la côte Ouest, plus sauvage 

et où se trouve le seul port de pêche de l’île: la Cotinière. La très belle forêt Domaniale de St Trojan nous a révélé de magnifiques chemins (interdits aux vélos en saison)

menant à une plage splendide à l’extrémité Sud de l’île. Lors de la journée où nous nous sommes déplacés en voiture, nous avons réalisé la chance d’avoir pu arriver sur l’île à vélo. En effet, la route par laquelle on arrive en voiture est un axe central à grande circulation sur lequel les commerces hideux mais malheureusement habituels de nos entrées en ville ont poussé. A l’opposé de l’expérience “îlienne” que nous avons vécue en arrivant par les petites routes et pistes cyclables fort bien développées, peu fréquentées en ce dernier jour d’avril. Voici quelques-unes encore des nombreuses photos prises sur ces 3 jours.

Suite et fin : Oléron Angoulême par Rochefort et la flow vélo puis l’épilogue, Angoulême - Bordeaux avec un mix TER et cyclo._

30 mai 2023

Voyage à Oléron (1/3): le Médoc

 Voici le premier volet du récit du voyage que nous avons fait pendant les dernières vacances de printemps. Direction, Oléron à partir de Bordeaux, retour par Angoulême en s'inspirant et empruntant quelques kilomètres de la Flow vélo. Retour en TER par Bordeaux.

Dieu qu'on en avait rêvé de ces vacances à Oléron! Le deuxième confinement nous en avait privés alors que tout était prêt. Mais cette fois-ci les planètes étaient alignées. Les billets étaient réservés depuis 2 mois, nous égrenions les jours avant notre départ car depuis les vacances d'hiver, le travail était prenant et fatigant pour nous deux. Mais ce mercredi, le compte à rebours arriva à terme. Pour une fois, nous avions terminé nos préparatifs bien à temps, sans stress. Nous pûmes même accueillir Phil, un copain du forum au pied levé la veille à dîner sans que cela nous oblige à nous coucher à minuit. Toujours sympa de se retrouver, même sans rouler!
Un dernier cours le matin à Nîmes, retour à 13h30 – ce qui ne laissait qu'une petite heure pour manger, se changer – nous voici partis pour la gare, mon trajet quotidien avalé promptement malgré le poids du barda qu'on emporte pour cette bambée de 12 jours.
Pour une fois l'Intercités de Marseille - Bordeaux est annoncé (quasiment) à l'heure. De bon augure ! Arrivés avec un peu de marge, nous mettons au point l'enchaînement des gestes dans nos têtes en attendant le train : amener les vélos encore harnachés devant la voiture 3 où se trouve le compartiment vélos dédié pour être plus mobiles et rapides ; décrocher les 5 sacoches, la tente (simplement posée sur les sacoche pour éviter les manipulations de sandow qui peuvent être vite énervantes quand on est pressé), le fauteuil pliant dans sa housse; charger le bazar en commençant par les vélos. Le convoi arrive, ralentit, la voiture 3 passe devant nous pour s'immobiliser dix mètres plus loin : exécution ! La tactique est efficace. Je monte en premier avec mon vélo, Catherine me fait passer rapidement le sien, beaucoup plus léger, et enfin les sacoches chargées en vrac dans le couloir étroit. Tout s'est déroulé promptement mais sans stress, contrairement à notre premier voyage en Intercités (le contrôleur nous pressait car le train avait un peu de retard qu'il comptait réduire en raccourcissant les arrêts). C'est le métier qui rentre. Quelques minutes plus tard, les vélos pendent par leur roue avant comme des carcasses faméliques dans la chambre froide du boucher. Ne restait qu'à ranger nos encombrantes car nombreuses sacoches puis de nous installer dans la voiture corail. Les vacances commençaient.

Étang de Thau, Narbonne; les paysages défilent à bonne vitesse mais on se sent en faire partie. Pas d'effet TGV, où l'on a l'impression d'être dans un "bocal à l'envers", effet produit par la grande vitesse, le couloir grillagé qui isole la LGV de la campagne et évite les villes et qui ne fait pas vivre le déplacement en train de la même manière. L'arrivée à Bordeaux est ponctuelle. Après quelques errements en gare St Jean (sans trouver l'ascenseur pour passer d'une plateforme à une autre), 10 mn de TER et environ 15 à rouler dans un environnement bien vert à nos yeux méditerranées, nous retrouvons Nicole pour une chouette soirée.
Le lendemain nous la quittons vers 9h. Les 6km à travers la banlieue Ouest très verte et bien pourvue en pistes cyclables est efficace et agréable pour s'en aller choper le TER pour Blanquefort. Nous "trichons" pour nous épargner une petite heure de banlieue et nous retrouver au seuil du Médoc. Il ne nous faut pas rouler longtemps pour nous retrouver sur des petites routes tranquilles dans un univers campagnard plutôt forestier. Grâce à la préparation et au téléphone bien installé sur le guidon avec son nouveau support, très efficace et sûr, nous avançons sans à-coups dans un dédale nous permettant d'éviter les routes à circulation. C'est bien agréable. Je me répète mais c'est avec beaucoup de plaisir que nous évoluons dans une campagne verdoyante. Le climat océanique nous dépayse. Après une vingtaine de kilomètres, nous pénétrons dans le Médoc vinicole au village de Margaux. Nous y passerons le reste de la journée. Impressionnants domaines et châteaux.
Les rangs de vigne sont parfaitement manucurés, les plants beaucoup plus petits que ceux qui font nos paysages des plaines de l'Hérault. Après un pique nique pris en bordure de la Gironde, nous remontons par le domaine de Château Margaux. Inutile de présenter ce grand cru. Même moi je le connais (de nom). Alors que nous allions nous engager entre 2 parcelles par une "Bianca Strada", nous sommes arrêtés d'un signe par un vigile qui sort de la voiture garée au carrefour de cette route de campagne au milieu de vignes d'une propreté jamais vue auparavant. Nous lui précisons notre intention de ne faire qu'un crochet par le château. Il saisit son walkie talkie, échange quelques secondes avec quelqu'un que nous imaginons être son chef. Feu vert, nous pouvons nous engager dans notre détour. 250 m plus loin, nous tournons à gauche pour rejoindre le château par une somptueuse allée ombragée d'arbres magnifiques (marroniers?). Tout est parfaitement entretenu, tout est calme. Nous roulons dans le luxe. Impressionnant. Ceux qui achètent ce vin ne paient pas que pour ce breuvage d'exception.  
Ils paient pour tout cet écrin où tout est parfait, jusqu'à la tenue de chacun travaillant ici.  
Pas de 4x3 ; de simples lettres dorées sur plaque noire de 60 cm suffisent.  
Café pris en terrasse chez Vincent, restaurant d'où sortent de table un quintette de clients chinois venus "pour affaires". On se sent un peu en décalage avec nos vélos et notre tenue de cyclos voyageurs (heureusement pas de lycra ni de cuissard moulant). Près de 4€ de petit noir. Cher mais pas le choix. Le lieu est coquet et le serveur très sympa. Il encaisse les 7€85 avec le même sourire que la note à plusieurs zéros des chinois qui regagnent leur grosse berline aux vitres teintées en passant devant nous sans un regard.

Ce matin nous avons évité la pluie mais pas quelques gouttes prévues par Madame météo. Elle ne s'est pas trompée pour l'après midi qui sera ensoleillée. Les châteaux défilent. Lors d'une halte à l'Office de tourisme de Pauillac, nous en retrouverons plusieurs sur étiquettes et sur bouteilles en vente. La plus chère à l'étal : 148€. Pas du château Margaux... qui ne se trouve pas dans ces lieux pour touristes lambda.
La petite bourgade de Pauillac nous a surpris. Elle s'étend en bord de Gironde sur un coteau qui permet à la ville de combiner une berge bien spacieuse et bucolique avec une "ville haute" d'où la vue sur l'estuaire devrait servir de jolis points de vue aux maisons bourgeoises qui la composent. Entre les 2 des ruelles commerçantes. Eh bien malgré ce potentiel, malgré le prestige des crus alentours, cette ville part en déshérence. Promenade sur planches en bord de Gironde décrépite ; rues commerçantes affichant des vitrines majoritairement vides. Habitat manquant d'entretien. La ville semble prise dans une spirale du déclassement. Un mystère. Quel potentiel pourtant ! A partir de Pauillac, nous reprenons la route par une départementale plus large et plus roulante. La lumière de l'après-midi qui se mue lentement en soirée réchauffe les couleurs du paysage alternant berges alluviales et coteaux. Nous progressons vite pour atteindre Saint Estèphe, autre appellation célébrissime. Notre but: le petit port de la Maréchale, repéré sur la carte. Il m'apparaissait parfait pour faire une étape bivouac. Pas de camping dans le coin. Quand nous parvenons au site, la réalité dépasse nos rêves : l'herbe vient d'être tondue. Les joueurs de pétanque nous indiquent les toilettes et nous y trouverons aussi un lavabo, derrière la guinguette fermée encore en cette saison. Seule l'eau chaude et une douche manquent mais ça ne sera pas un problème. On a l'habitude de la toilette à l'eau froide! Tout est parfait sauf qu'on a oublié d'acheter des bières pour l'apéro au dernier bourg. Les joueurs de pétanque nous indiquent le village le plus proche où je peux trouver un Vival. 4 bons kilomètres mais ma motivation est intacte. J'allège ma monture et me carapate pour arriver avant la fermeture. Je traverse le marais à bonne allure. Qu'il fait bon rouler à 25-28 km/h! Je me rends compte de ce que le poids de nos sacoches nous raccourcit dans les étapes. 60 à 70 kilomètres avec visites, arrêts photos etc. quand on est chargé d'une monture et de bagages à 40 kg, ça n'est pas si mal finalement. Une fois de retour à la Maréchale, chargé d'une canette de bière et d'une bouteille d'un cru local,


je retrouve Catherine installée dans son fauteuil en train de lire au soleil, face à l'estuaire. C'est calme, beau, paisible. Parfait pour apprécier l'apéro, installés sur la jetée bien confortablement dans nos fauteuils pliants (1 kg pièce).   
Le pied. Le dîner sera pris à l'une des tables mises à disposition des touristes mais désertes à cette saison. Merci la mairie! Vient ensuite le moment de choisir où on montera la tente. Je repère une plateforme herbeuse (tondue) en bordure de la grève de l'estuaire. Idyllique. Nous nous installons, contemplatifs devant le paysage qui s'éteint progressivement dans les teintes bleues puis mauves du soir pour finir dissout dans la nuit. Il fait doux, le rossignol que nous avons comme voisin nous gratifie de ses talents sans parvenir à nous tenir éveillés très longtemps malgré une énergie admirable investie pour défendre son pré carré. L'habitude des levers tôt n'a pas que des inconvénients. J'ouvre l'œil juste à temps pour m'extirper de mon sac de couchage et de la tente avant le lever du soleil, là bas en face, au dessus de la côte de Blaye qui nous fait face sur l'autre rive de l'estuaire. J'aurai tout le loisir de contempler à nouveau le même paysage, tout à fait différent sous cet éclairage matinal.
Deux heures après, le petit déjeuner est avalé, la tente pliée, les sacoches accrochées. Nous sommes prêts à repartir pour finir de remonter la péninsule du Médoc. Juste au sortir de la Maréchale, l'itinéraire tracé grâce à cycle.travel nous entraîne sur une route entre les vignes. Nous sommes sur les terres du domaine de Loudenne, qui indique sympathiquement aux promeneurs piétons et cyclistes qu'ils sont autorisés à emprunter le chemin qui nous conduit au château à travers les vignes. Celui-ci est différent des autres, avec des choses qui nous plaisent; par exemple les tourelles plantées au milieu des vignes dont on se demande si elles ne sont que d'agrément. Qu'importe, il doit être bien agréable de s'y installer pour siroter un bon verre en admirant le paysage de vignes mais aussi probablement l'estuaire qui s'étend au-delà de la lisière des arbres plantés au bord de l'eau. On devine que les jardins qui descendent en pente douce jusqu'à la Gironde offrent une belle perspective dégagée depuis la terrasse; mais nous n'irons pas vérifier. Zone privée.  Aussi, à l'écart du château et de ses jardins à l'anglaise, se trouvent de petites maisons disposées comme en un mini village de gîtes que nous pensons plutôt construites pour héberger les saisonniers. Ce sont des installations que nous n'avons pas rencontrées précédemment sur d'autres domaines. Vendanges, taille et autres tâches délicates, la viticulture nécessite une main d'œuvre qui vient désormais le plus souvent de l'étranger. Avant la Maréchale où nous venions de bivouaquer, nous avions échangé en espagnol avec un travailleur marocain. Les travailleurs des champs que nous avons croisés sur le domaine de Loudenne ne parlaient pas français. Je crois que ces travailleurs étrangers sont indispensables à l'économie actuelle du vin. Pour revenir au château lui-même, son crépi rose surprend, certes.
Ça fait un peu glaçage de gâteau américain. Mais ça change et ça donne une personnalité à l'endroit. L'architecture tranche avec celle des châteaux vus hier du côté de Margaux, au luxe ostentatoire, aux jardins à la française. Celle-ci nous rappelle celle des châteaux du nord de l'Europe.
Nous continuons par des routins à travers le vignoble jusqu'au petit port de Saint-Christoly-Médoc, charmant. C'est là que nous avons rejoint la rive de la Gironde que nous suivrons sans nous en éloigner de plus d'un kilomètre jusqu'à notre prochain but, le phare de Richard où nous avons prévu de faire notre halte pique-nique. Nouvel endroit pittoresque, avec cette fois ci quelques touristes, un phare qui n'a pas besoin d'être très haut: il balise l'entrée dans l'estuaire. C'est ici, au phare de Richard que notre trace bifurque plein Ouest. La raison : découvrir l'océan, les dunes les immenses plages de Gironde que nous ne connaissons pas. A ce niveau, la péninsule du Médoc est bien rétrécie donc il ne nous faut rouler qu'à peine plus de 20 km pour les rejoindre. Au centre, après St Vivien-de-Médoc où nous faisons notre pause café quotidienne (le rituel), les forêts de chênes verts sont agréables et les routes qui les traversent sympa à rouler. A l'approche de la côte, après Grayan, les pins maritimes prennent le relais. Les routes et pistes cyclables s'élargissent, le nombre de camping augmente. On sent qu'on approche de la plage. La taille des parkings, la largeur des voies nous font apprécier de découvrir ces lieux en avant saison. Il faut reconnaître que les plages sont immenses et magnifiques sous le soleil, toujours là malgré les prévisions météo, surtout quand elles sont quasiment désertes comme en ces derniers jours d'avril. Nous repartons cap plein Nord vers Soulac-sur-Mer après des kilomètres de pistes cyclables tracées au cordeau dans les forêts de pins, lassantes et chaudes. Soulac est une station dotée d'un charme "belle époque" un brin désuet. On imagine ce lieu prisé de la bourgeoisie bordelaise qui a pu y accéder grâce à une ligne de chemin de fer, la ligne du Médoc, construite à la fin du XIXème siècle. Vacances de printemps oblige, il y a du monde dans la rue principale commerçante. Je cherche l'immeuble fantôme "le Signal", devenu malgré lui le symbole des assauts du climat causé par notre mode de vie consumériste (à tort; il ne s'agit que du résultat de l'évolution naturelle de la ligne de côte sous l'influence de l'océan et des tempêtes). Rien du tout. Nous ne voyons que des ouvriers au travail pour finaliser une promenade littorale aménagée sur le front de mer. L'immeuble a été effacé du paysage, démoli, "photoshoppé en vrai". J'appris dans une feuille de choux locale que la démolition "devrait intervenir au printemps 2023". Comme le Titanic, ce vaisseau de béton semble avoir été englouti, mais par la plage. Même symbole d'hommes sûrs d'eux, cupides et stupides face aux réalité des éléments naturels. Seuls indices visibles de ce chantier: les camions qui font l'essuie-glace, roulant à tombeau ouvert sur la plage pour transporter du sable au pied de cette nouvelle promenade malgré l'affluence. Circulez, il n'y a plus rien à voir. A Soulac-sur-Mer nous ne sommes plus qu'à quelques kilomètres de notre étape, le camping le plus proche de la pointe de Grave, au Royannais. Cette-fois-ci la piste cyclable est des plus agréables. Ca monte, ça descend, ça tourne et détourne selon les arabesques de la côte, à travers une forêt de chênes vert qui contraste avec la station qu'on vient de quitter. Il est tentant de chercher un bivouac mais les interdiction de camper nous en dissuadent, malgré la faible affluence. Nous arrivons au camping tout juste ouvert, bien accueillis par le propriétaire sympathique qui nous vend 2 bières bien fraîches et des moustiques, beaucoup plus nombreux que les campeurs et moins sympas que le gérant. Nous devisons sur l'organisation de la journée du lendemain et décidons de prendre le ferry de 8h45 pour Royan, de décamper sans petit-déjeuner à 8h00, ce qui nous laisse le temps de parcourir les 4 km qui nous séparent de la pointe du Médoc, à l'embarcadère de Verdon-sur-Mer, en empruntant la piste cyclable et de prendre notre petit déj à bord. Ainsi se termine cette première partie du récit: la remontée du Médoc. 64 km le deuxième jour, 77 le premier (sans l'A/R de 8km pour la bière et une bouteille de Médoc). Un bel itinéraire très intéressant (ce que je n'avais pas franchement anticipé), en tous cas selon moi une alternative à la redescente par la Vélodyssée que presque 100% des cyclo-voyageurs empruntent. On s'en est rendu compte depuis qu'on l'a rejointe au Gurp. Le gérant du camping était surpris de notre choix tant il est iconoclaste (la Vélodyssée jouit d'une grande et bonne réputation). Il nous a avoué ne jamais le recommander car selon lui, il est très exposé au trafic. Ce qui montre que même les locaux peuvent ne rien y connaitre et conseiller purement par reproduction de "choses" entendues sans expérience personnelle.

La suite à venir.